Nu, il se réveilla ce matin là dans son jardin. La mémoire quelque peu floue, il tâcha de se souvenir de la nuit qu'il avait passé, en demeurant évidement persuadé qu'il s'était transformé. Mais pourquoi? Pénétrant dans sa maison, et après avoir pris une bonne douche, et s'être enfin habillé, il se rappela qu'il avait beaucoup pleuré, le soir précédent, incapable de dormir. Le désespoir avait dû être si intense qu'il avait changé de forme, devenant l'espace de quelques heures un corbeau, libre d'aller où bon lui semblait, au gré de ses ailes immenses. Bien sur, il haïssait cette malédiction, il tâchait de la renier, de contrôler ses transformations, mais il ne pouvait pas nier qu'en se changeant en corbeau, il avait cette irrépressible impression d'être enfin libéré de toutes ces émotions négatives qui gâchaient ses journées; il ne sentait plus ce trou béant dans sa poitrine, causé par l'absence de Charlie, il ne semblait plus être doté de cette colère plutôt incroyable envers lui-même, pour s'être enrôlé avec les scientifiques qui "chassaient les maudits", et enfin, il ne pensait plus constamment à quelle sorte de déception il devait être pour son père, qui n'était jamais satisfait de son unique fils.

Toujours un peu bouleversé par sa transformation nocturne de laquelle il ne gardait que quelques brefs souvenirs, il passa une journée plutôt ordinaire. Vers dix heures, il se rendit à l'université pour y suivre un cours. Il mangea juste après celui-ci, dans un fast-food non loin, avant de retourner en cours l'après-midi. Lorsqu'il eut terminé, à 16h, il rentra chez lui, et, fatigué, il s'allongea sur son canapé en regardant la télé. Au bout d'un moment, il s'assoupit, ne se réveillant que lorsqu'il sentit son portable vibrer contre sa cuisse. Il était 20 heures passées. Il s'étira longuement, avant de regarder le message qu'il venait tout juste de recevoir. Mec, on en a un. Tu es opé pour qu'on le choppe ce soir? Il pâlit très nettement, et sentit son ventre se retourner. C'était un sms de l'un de ses "camarades", chargé d'enlever des maudits. Ayant une soudaine envie de vomir, Syrius pensa à se défiler, ce qu'il fit. Pas moyen. J'ai un test important demain, faut que je révise. Désolé. tapa t-il, avant d'envoyer rapidement ce sms. Tremblant, il fourra son portable dans sa poche. Il détestait s'être enrôlé dans cette organisation parfaitement folle, mais il avait senti une sorte de couteau sous sa gorge lorsqu'on lui avait proposé, lors de l'un de ses stages dans le laboratoire de Napier. S'il avait répondu non, qu'en auraient conclus les scientifiques? Certainement qu'il était lui même un maudit. Et il refusait de se faire attraper par ces fous furieux. Il avait alors opté pour la stratégie de rejoindre leur camp, bien malgré lui.

N'ayant plus du tout sommeil, il se fit rapidement un sandwich, et l'engloutit en à peine une minute. Puis, faisant les cent pas dans son salon comme un lion en cage, il décida de se changer les idées, en faisant une sorte de promenade. Le soleil était déjà couché lorsqu'il atteignit Veronica Sunbay, un endroit plutôt paisible, où les gens venaient généralement se recueillir, face à la mer. Pensif, il avait les yeux perdus sur l'océan, et ne remarquait même pas que quelqu'un s'approchait vers lui.

Spoiler:

Quelqu'un s'approchait de lui, et il n'en avait même pas conscience. Perdu dans ses pensées, et surtout passionné par la contemplation de cet océan somptueux qui s'étendait devant lui à perte de vue, il ne pouvait pas s'empêcher d'envoyer partout autour de lui des ondes singulièrement négatives. Syrius se sentait en effet plutôt mal, d'où cet état très pensif. Il remettait en doute ses choix, se blâmait pour avoir eu l'idée de rejoindre ces satanés scientifiques. Mais à présent, il était bien trop tard pour reculer, et pour leur dire qu'il désirait se retirer de cette organisation parfaitement malsaine. Il devait donc vivre avec, et obéir aux ordres qu'on lui donnait, en enlevant bien sur ses semblables maudits. Mais, pire encore, il devait supporter la culpabilité parfaitement pesante qu'il ressentait vis à vis de ses actions au sein de cette organisation, et c'était une chose horrible pour lui. Il avait beau être assez fort mentalement, il ne pouvait pas s'empêcher d'être rongé le remord, au point que certaines fois, il se transformait même en sentant son ventre envahit par la culpabilité, lorsqu'il pensait aux erreurs qu'il commettait au sein du cercle des scientifiques. Mais il devait apprendre à vivre avec, et c'était ce sur quoi il travaillait. Il tâchait d'oublier le remord, et de se persuader qu'il faisait cela pour son propre bien, sa propre sécurité, qu'il ne fallait pas s'en vouloir. C'était évidement plus facile à dire qu'à faire.

Certaines questions demeuraient récurrentes chez lui. Que faisait-on à ces maudits qu'il délivrait à ses supérieurs? Et si jamais, un jour, il montait en grade, et il se retrouvait à être contraint de torturer ses semblables, en quête d'informations pour ses boss? Qu'adviendrait-il alors? Parviendrait-il à le faire, ou craquerait-il, révélant ainsi à tous sa compassion envers les maudits, et donc sa véritable nature de chose presque inhumaine, se transformant à chaque fois qu'il était habité d'une émotion trop forte.

Puis il revint à lui même, chassant ses idées noires, lorsqu'il remarqua que quelqu'un était posté juste à côté de lui, et se retrouvait à plonger son regard dans le sien. Il s'agissait de Sven, l'un de ses amis, qu'il appréciait beaucoup. Intrigué par son regard plutôt dur et catégorique, il eut un rire amusé. "Sven! " s'exclama t-il, assez content de voir son ami ici, comme par une heureuse coïncidence. Cependant, quelque chose clochait, et il semblait le fixer étrangement, lui offrant un regard profond et un échange assez inhabituel. Syrius ressentit immédiatement un certain malaise, et devint tout de suite méfiant. Pourquoi se comportait-il ainsi, froid et distant, lui qui était d'habitude marrant et bon enfant avec lui? Quelque chose était arrivé, quelque chose dont Syrius n'avait pas du tout connaissance. Curieux de connaitre le fin mot de l'histoire, et voyant que son ami ne répondait pas à sa parole amicale, il reprit, sur la défensive: "Tu es drôlement... silencieux. Tu es sûr que ça va, mec?" Vraiment, il fallait qu'on lui explique. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, ils avaient pourtant passé une bonne soirée de franche rigolade. Qu'avait-il bien pu arriver pour que l'attitude de Sven change du tout au tout? Intrigué, il attendait qu'il lui réponde, à moitié persuadé qu'il affichait cette attitude pour se moquer lui, et se vanter plus tard d'être parvenu à lui ficher la frousse.